Vaccination contre la grippe en Belgique : regard sur les inégalités sociales
En Belgique, la vaccination contre la grippe reflète les inégalités sociales : jusqu’à 20 % d’écart de couverture entre les plus et les moins favorisés. C’est ce que révèle une étude des Mutualités Libres (Partenamut en Wallonie et à Bruxelles), qui appelle à cibler davantage les campagnes pour protéger les groupes à risque. Alors qu’une nouvelle campagne de vaccination débute, l’analyse détaille les disparités, met en lumière les facteurs influençant la couverture vaccinale et illustre la plus-value d’une prévention ciblée : une campagne menée auprès de personnes âgées a significativement augmenté leur taux de vaccination.
22 septembre 2025

Des taux encore en baisse
En 2024, les taux de vaccination des groupes à risque des affiliés des Mutualités Libres (2,3 millions) restent toujours inférieurs aux objectifs européens de 75 %.
- 50,2 % chez les +65 ans
- 42,1 % chez les malades chroniques (⚠️sous-estimé : données de vaccination chez l’employeur non incluses)
- 16,4 % chez les femmes enceintes (⚠️sous-estimé : idem)
Depuis 2020, ces taux sont en baisse dans les deux groupes les plus importants. Une tendance encore confirmée en 2024. Pour les femmes enceintes, on constate une légère augmentation, mais le niveau reste très faible.

Les inégalités sociales dictent la prévention
“Quand le quotidien est marqué par des contraintes financières et sociales, la prévention passe parfois au second plan. Et quand on a plus de mal à comprendre ou à trouver la bonne information santé, le pas vers la vaccination devient encore plus grand”, explique Judith Racapé, experte scientifique aux Mutualités Libres.
L’étude révèle que les taux de vaccination augmentent avec le statut social, et ce peu importe l’indicateur pris en compte : indice de défavorisation belge, statut de bénéficiaire de l’intervention majorée ou revenu médian.
- 65+ ans : 59 % dans les quartiers les plus favorisés vs 43 % dans les moins favorisés.
- malades chroniques : 50 % vs 36 %.
- femmes enceintes : 26 % vs 11 %.
Chez les bénéficiaires de l’intervention majorée (BIM), la couverture est aussi plus faible : -11,2 % chez les 65+, -5,6 % chez les malades chroniques et -12,6 % chez les femmes enceintes.
“Les écarts peuvent atteindre 20 % entre personnes plus et moins favorisées. Ils s’observent pour tous les groupes à risque et confirment l’importance de mieux cibler les campagnes de vaccination. Un manque de temps, de moyens ou d’informations ne devrait pour personne être une raison de ne pas se faire vacciner”, ajoute Judith Racapé.

D’autres facteurs déterminants
L’étude souligne aussi d’autres variables influençant la couverture vaccinale. Chez les personnes à risque, la probabilité de se faire vacciner augmente avec l’âge et le nombre de maladies chroniques. Des écarts régionaux persistent aussi : 58,5 % des 65+ sont vaccinés en Flandre, contre 44,7 % en Wallonie et 43,3 % à Bruxelles. Enfin, les personnes avec un Dossier Médical Global sont plus vaccinées (52 % vs 29 %).
La vaccination contre la grippe en pharmacie progresse
Depuis 2023, les pharmaciens peuvent administrer le vaccin. Leur part est passée de 20 % en 2023 à 34 % en 2024, avec un pic de 49 % à Bruxelles (vs 32 % en 2023). Ce canal séduit surtout les jeunes, les non-vaccinés en 2023 et les personnes sans Dossier Médical Global. Il élargit l’offre, soulage les médecins mais ne compense pas encore les inégalités sociales et n’a pas encore entrainé de hausse globale des taux de vaccination.

Le choix de la communication directe
En 2024, les Mutualités Libres ont mené une campagne test de sensibilisation à la vaccination contre la grippe. 75.000 membres de plus de 65 ans ont reçu un mail clair avec des infos pratiques et une vidéo explicative. Résultat : un taux d’ouverture du mail élevé et 90 % jugeant le message utile.
L’impact s’est fait sentir : 14,1 % des personnes non vaccinées en 2023 se sont fait vacciner en 2024 (contre 10,6 % sans rappel). Parmi les personnes déjà vaccinées, 92,4 % ont répété la vaccination (contre 89,1 %).
Certaines catégories restent toutefois difficiles à atteindre : femmes enceintes, personnes bénéficiant de l’intervention majorée et socialement vulnérables, plus de 80 ans ou personnes non vaccinées contre la grippe les années précédentes. Pour ces publics, des contacts de proximité sont nécessaires, à l’instar des appels téléphoniques proactifs des conseillers en santé à Bruxelles et en Wallonie.
La grippe peut sembler bénigne, mais elle peut avoir des conséquences graves pour les personnes vulnérables, allant jusqu’à l’hospitalisation ou le décès. Un rappel annuel est donc essentiel. Informer directement et de manière fiable permet d’aider chacun à faire un choix conscient pour sa santé et celle de son entourage.
Cette campagne test montre que la communication directe est efficace, tout en soulignant qu’un effort supplémentaire est nécessaire pour toucher l’ensemble des personnes à risque.
5 leviers pour mieux protéger les groupes à risque
Pour renforcer la couverture vaccinale contre la grippe et réduire les inégalités, les Mutualités Libres appellent à :
- Renforcer la stratégie vaccinale : mobiliser tous les professionnels de santé, mobiliser activement les mutualités et mieux identifier les personnes à risque.
- Cibler les campagnes : messages différenciés selon le public, rappels personnalisés et actions de proximité.
- Réduire les inégalités : actions de terrain (outreach) en partenariat avec des acteurs locaux et valorisation du rôle du pharmacien.
- Améliorer la vaccination des femmes enceintes : coordination renforcée entre gynécologues, sage-femmes et généralistes, actions ciblées pour les femmes en précarité.
- Optimiser le suivi et la recherche : un registre centralisé de vaccination où les informations provenant des différents flux de vaccination sont collectées et mises à disposition pour la politique de santé et la recherche.