Opinion - Nos données de santé numériques ont le vent en poupe : où est le capitaine ?

La digitalisation de notre société s'accélère, aussi dans les soins de santé. Résultat ? Un tsunami de données électroniques sur la santé. Gérer et exploiter de manière réfléchie ces flux de données constitue un défi majeur pour les autorités aujourd'hui. Différents niveaux politiques ont dès lors lancé des chantiers ambitieux : tout le monde est sur le pont ! Il ne fait aucun doute que ces flux de données peuvent apporter une immense valeur ajoutée aux soins de santé belges. Mais qui tient la barre dans ces eaux agitées ?

Par Xavier Brenez, CEO des Mutualités Libres (Partenamut)

Le cadre réglementaire relatif aux données de santé évolue à toute vitesse, sous l'impulsion de l'Europe. L'Union européenne entend d’ailleurs devenir un acteur mondial de l'innovation et de la recherche basées sur les données. Les initiatives se succèdent rapidement, comme en témoignent la stratégie européenne en matière de données, le Data Act, le Data Governance Act et, surtout, le règlement relatif à l'espace européen des données de santé (EHDS). Ce dernier vise à faciliter l'utilisation et l'échange de données de santé tout en protégeant les droits des citoyens. Il entrera progressivement en vigueur à partir de mars 2027.

Citons aussi les mesures d'accompagnement, telles que la directive NIS2, qui vise à accroître la cyber-résilience dans l'UE, ainsi que le plan d'action européen pour la cybersécurité des hôpitaux, qui a vu le jour au début de l'année.

Dans ces remous, il est loin d'être facile pour les autorités et les acteurs des soins de santé de garder le cap. La coordination et le suivi sont donc essentiels.

Politique belge

L'EHDS servira également de base à la future politique en matière de données dans le domaine des soins de santé en Belgique. L’objectif du règlement est double : faciliter l'utilisation primaire des données (pour le traitement et le suivi des patients) ainsi que leur utilisation secondaire pour la politique, l'innovation et la recherche.

La liste des tâches à accomplir pour implémenter l'EHDS est longue. Il est donc étrange que l'EHDS ne soit pas cité dans le plan d'action interfédéral eSanté 2025-2027, par lequel le gouvernement belge souhaite “développer une architecture eSanté dans laquelle les centaines de composants et plateformes TIC existants sont partagés de manière transparente avec un large éventail d'acteurs.” La version complète de ce plan d'action n'est d’ailleurs pas encore accessible au public. L’EHDS figure pourtant en bonne place dans le texte “Vers une vision d’avenir pour la politique des registres en Belgique”

Fin 2024, le Belgian Integrated Health Record (BIHR) avait été annoncé. Il s’agit d’un système qui permet aux citoyens d'accéder facilement à leurs données de santé et aux prestataires de soins de santé de partager efficacement des informations. Il s'aligne parfaitement sur les objectifs de l'EHDS. Depuis l'annonce toutefois, c’est le silence radio quant à la suite des événements.

Il n’en va pas de même pour la Health Data Agency. Ce nouvel organisme, lancé en 2024, doit mettre de l'ordre dans la fragmentation des données de santé et en faciliter l'utilisation secondaire. Il devient ainsi le passage obligatoire pour la mise à disposition des données de santé en vue de la recherche et l'innovation. Même si nous n’avons encore aucune certitude sur la concrétisation pratique de ces mesures...

Consultation et coordination : indispensables

Le paysage belge des données sur les soins de santé est donc en pleine mutation. Il est difficile pour les médecins, hôpitaux, mutualités et associations de patients de suivre le rythme. Supervision, coordination et communication transparente font cruellement défaut.

Où est le capitaine qui doit nous guider à travers la tempête soufflant sur le paysage des données de santé ? Qui veille à la cohérence et s'assure que les acteurs concernés fassent bien partie de la traversée ? Aujourd'hui, les articles, les présentations et les notes se multiplient, mais il est rare que s’ensuive une véritable concertation.

De plus, la complexité de notre structure fédérale n’arrange rien. Les entités fédérées s'impliquent aussi dans le débat sur les données de santé, mais la différence de rythme est notable. C’est la Flandre qui a pris les devants, notamment avec le projet “Vlaams Health Data Space” qui a examiné l'état de préparation du secteur des soins flamand en matière de données de santé. L'entreprise flamande de services de données Athumi se positionne également pour jouer un rôle clé dans l'économie des données, y compris des données de santé.

Les choses bougent également sur le terrain. Des projets pilotes réunissent ainsi plusieurs hôpitaux belges souhaitant se préparer activement à l'EHDS.

Et le citoyen ?

Comment faire pour que les citoyens gardent eux aussi la tête hors de l’eau dans cette tempête ? Selon Statbel, seuls 59 % des Belges disposaient en 2023 des compétences de base en matière de technologie numérique. Le règlement EHDS oblige les États membres à prendre des initiatives et organiser des campagnes pour renforcer la littératie digitale des citoyens. C'est donc une très bonne nouvelle que la Conférence interministérielle de mai ait validé le plan interfédéral en matière de “Digital Health Literacy”.

C’était une nécessité. En effet, les citoyens doivent jouer un rôle plus actif dans le suivi de leur santé, notamment grâce aux données qui sont (ou seront) disponibles sur diverses plateformes. Aujourd'hui, cependant, il s'agit d'un labyrinthe complexe, surtout pour les personnes qui ne maîtrisent pas les technologies numériques.

Une opportunité unique

Face à ces défis, ne perdons pas de vue le tableau d'ensemble : il s'agit d'une opportunité incroyable. Le partage intelligent des données de santé pourra faire des soins intégrés une réalité. Enfin ! Il permettra aussi d’acquérir des connaissances approfondies en vue de construire une politique appropriée. Du côté de la recherche, l’accès à de nouvelles sources de données ouvre la voie pour relever les défis rencontrés par notre société. Et pour nous en tant que mutualités, ces avancées permettront de mieux guider nos membres en matière de prévention et de promotion de la santé.

Ensemble, avec tout l’équipage, nous devons donc saisir cette opportunité à deux mains, avec un capitaine qui nous guidera à travers ces eaux agitées.

Marianne Hiernaux

Marianne Hiernaux

Responsable Communication - Porte-parole, Mutualités Libres

 

 

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